Note de réflexion sur la contemplation
« La part de l’homme dans l’action, c’est la contemplation » Sainte Thérèse de Lisieux
« Le contemplatif est celui qui permettra à une société donnée de grandir en humanité » Père Huot de Longchamp. France Catholique No 3686 Juin 2020.
Dans son discours prononcé en 2009 au collège des Bernardins, auquel j’assistais, Benoît XVI, considérant les fruits historiques du monachisme parlait de la culture nouvelle qui s’est formée progressivement dans les monastères. La volonté des moines, disait-il, n’étant pas de créer une culture nouvelle ni de conserver une culture du passé. Leur motivation était beaucoup plus simple. Leur objectif était de chercher Dieu au-milieu de la confusion de ces temps (fracture culturelle, migrations, etc…) « Les moines désiraient la chose la plus importante : s’appliquer à trouver ce qui a de la valeur et demeure toujours, trouver la vie elle-même. Ils étaient à la recherche de Dieu » Benoît XVI.
J’ai à cœur de citer Sainte Marie de l’Incarnation née à Tours en 1599, ursuline et dont j’ai réalisé la sculpture pour sa ville natale, pour rendre aussi hommage aux Ursulines. Elle est la patronne du Québec.
Partie au Canada en 1639, elle fera du Québec un bastion de la culture française dans le Nouveau monde.
« Chercher Dieu reste aujourd’hui comme hier la voie maîtresse et le fondement de toute véritable culture » Benoît XVI.
Françoise Bissara-Fréreau
Paris, juillet 2020
Je commencerai par écrire qu’on ne « fait » pas de l’art. Ce n’est pas faire qui importe mais avoir toujours l’attitude intérieure la plus vraie. Il s’agit d’un corps à corps avec la matière, une adhésion corporelle à la réalité. Pas n’importe comment. Je pense à un engagement en dehors des modes, des influences extérieures. Je n’imagine pas une œuvre comme un décor ou un simple document mais comme une parcelle vivante saisissant si possible l’instant de vie, tendu, fragile « entre les fils du temps ».
C’est un combat ; une concentration qui nécessite un travail d’une extrême rigueur.
Focillon écrit : « Quand la sculpture se détache de l’architecture, elle accepte les suggestions de la peinture ». Pour ma part j’ai rapproché les techniques de sculpture, de peinture et de gravure. Ma recherche m’y a conduite tout naturellement : celle du rythme, de la mesure ou de la non-mesure vers l’inconnu. L’image est souvent frontale : « le face à face » comme en Orient byzantin. Cependant la sculpture en trois dimensions alterne avec ces reliefs austères car j’aime la vie, la douceur. Je pense en particulier aux visages de Piero della Francesca dans lesquels l’amour s’incarne de manière lumineuse. Ayant vécu « la mort de Dieu », la remise en question nietzschéenne dans les années 70 / 80, toute mon œuvre s’intitule « Odysseus », « le retour ».
En profondeur, la tradition exige le vivant : ici, maintenant, dans la complexité du monde contemporain et du monde de l’art. Je me situe dans mon époque. C’est à travers l’art que j’y chemine. J’en accepte les dangers, les défis : ils approfondissent mon parcours et m’enracinent dans un temps présent.
Il y a des confrontations mais aussi des rencontres. Mon travail suggère des possibilités d’échange et d’ouverture. Le lien à l’autre n’est pas vague. Il est quelque chose de construit.
Échange et ouverture sont les thèmes de ma réflexion et de ma création que je tente de formuler, de manière indirecte, par les symboles sur les « pages » ; celles-ci s’inscrivent sur toutes les formes de mes sculptures.
Les symboles suggérés abstraitement sont une présence. Ils révèlent le sens et son espoir de spontanéité. « L’écriture » des lignes en creux et en relief – ombre et lumière – dans la matière, exprime la mobilité, la force qui vient de l’intérieur. Celle-ci n’est plus emportée par les forces de l’univers, elle essaye de cohabiter avec elles. Voici le but que je poursuis : rendre à l’homme un visage. Cela correspond à un long cheminement et à l’urgence d’incarner le combat, la perception des transformations, de phénomènes mouvants et dynamiques.
Le bronze affirme l’être du message. Réalisant le buste de Mr B. pour Eurotunnel, j’ai cherché, au delà du portrait, à transcrire l’idée du passage et du lien.
Ce lien représente l’acte libre qui procède d’une adhésion intérieure par rapport à une loi profonde de justice et à son engagement. Il ouvre le passage d’un homme à l’autre, d’un pays à l’autre ; il est la conscience fondamentale de la responsabilité de la vie, dont la vraie source est échange.
Je suis heureuse d’avoir été élue à L’“Accademia Delle Arti Del Designo” section sculpture de Florence et à la “Royal British Society of Sculptors” de Londres. Je me sens proche de l’Italie par mes origines, et aussi proche du Royaume-Uni par ma grand-mère écossaise…Ma mère est grecque et j’ai vécu 12 ans en Egypte où je suis née. Ce pays était à l’époque un formidable carrefour de cultures et de religions. Mon sentiment est qu’il y a quelque chose d’essentiel à dire et à accomplir. Mes séjours aux USA, où mes œuvres ont été présentées, me renforcent dans cette idée. Le sens est nécessaire à l’imagination la plus profonde, la plus extrême, laquelle se forge, se fait et se défait avec le temps pour créer les nouveaux rythmes de l’homme au cœur de l’univers.
Si l’homme perd la connaissance de ses origines les plus lointaines, il perd son sens. Puisse-t-il être ennobli où qu’il soit, ici et ailleurs, par ce qui représente la quatrième dimension de l’esprit, dans laquelle les contraires cessent d’exister.
Françoise Bissara-Fréreau